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EN AVANT-PREMIÈRE EN VALAIS – Le site des Cinéphiles de DreamAgo

EN AVANT-PREMIÈRE EN VALAIS

En collaboration avec la société

nous avons le plaisir de vous annoncer la projection du dernier film de Delphine Lehericey

LAST DANCE

vendredi 13 janvier 2023 à 20h30, au cinéma Le Bourg à Sierre

Pour vous donner un aperçu, voici le trailer du film

À 75 ans, Germain, contemplatif et casanier se retrouve veuf et tache de composer avec l’inquiétude envahissante de ses enfants. Fidèle à une promesse faite à sa femme il y a des années, il va devoir, en cachette de sa famille, prendre sa place dans une création de danse contemporaine.

Avec Last Dance, la scénariste et réalisatrice d’origine neuchâteloise, Delphine Lehericey, avait envie de raconter une histoire sur le deuil, mais de façon légère et amusante.
Au casting, on trouve dans les rôles principaux François Berléand, l’acteur suisse Kacey Mottet-Klein, ainsi que la chorégraphe espagnole, La Ribot, avec sa compagnie.

ENTRETIEN AVEC DELPHINE LEHERICEY

Vos précédents films sont des drames. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire une comédie ? Considérez-vous que Last Dance se situe dans la lignée de votre parcours ou comme étant un travail de rupture ?

L’envie de faire une comédie existait déjà avant de réaliser mon précédent film, Le Milieu de l’horizon. J’ai toujours considéré que la comédie est le genre le plus difficile à écrire, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une comédie réaliste où le rire ne surgit pas forcément des dialogues, mais plutôt des situations. La vie est chargée d’absurdités dont on peut s’inspirer largement ! Même lors de moments tragiques, il y a moyen de rigoler. Lors de la sortie du Milieu de l’horizon, j’ai rencontré beaucoup de spectateurs très émus. Certains m’ont avoué qu’il était difficile pour eux d’aller au cinéma en sachant qu’ils allaient probablement pleurer. Choisir d’aller voir un drame, et en conséquence pleurer et être triste, semblait représenter à leurs yeux une démarche supplémentaire à assumer pour se rendre dans une salle de cinéma. Ma famille me répétait souvent : « Mais pourquoi tu ne fais pas de comédie ? On aurait plus envie d’aller au cinéma ! ». En pleine crise COVID, qui correspond aussi à une crise générale du cinéma, je me suis dit que j’allais écouter ma sœur et ma mère, et tenter de réaliser un film que les gens ont envie d’aller découvrir. Rire et pleurer sont pour moi des émotions qui ont la même valeur : je perçois donc Last Dance comme une œuvre qui s’inscrit dans la continuité de mes précédentes réalisations. Ce n’est pas de la pure comédie, mais un mélange d’émotions tristes et de pulsions de vie, de larmes et de sourires, de combativité et de résilience. À l’origine de mon envie de réaliser des films, il y a le désir de générer des émotions. Parvenir à émouvoir les autres relève presque d’un acte militant. Car l’émotion nous bouscule, nous fait bouger, nous pousse à changer de positionnement idéologique. C’est pour cette raison que je fais des film

Vous avez l’habitude de travailler avec des adolescents. Qu’est-ce qui vous a donné envie de parler de Germain, un retraité septuagénaire ?

Tout comme au cours de l’adolescence, la vieillesse est un âge de la vie où l’on fait face à une transformation irréversible. Si l’adolescence nous fait quitter l’enfance, quand on est vieux, on est vieux et notre corps et notre esprit commencent potentiellement à déconner. Nous sommes obligés d’accepter cet état, de la même manière que nous devons accepter notre corps qui se transforme à l’adolescence, sans parvenir à maîtriser quoi que ce soit. Cette implacabilité du corps qui se transforme peut être parfaitement angoissante. Pour ma part, vieillir m’effraie. Comment puis-je alors aborder cette thématique? Comment construire des personnages crédibles, avec leurs défauts et leur caractère, qu’on puisse aimer et qui nous rassurent malgré tout ? Pour imaginer cette panoplie de personnages, j’ai beaucoup pensé à mes parents que je vois vieillir inévitablement. Je me suis demandé si j’allais devenir aussi « chiante » que Mathieu, le fils de Germain qui traite son père comme un enfant. Finalement, je me rends compte que j’ai écrit Last Dance pour mon grand-père : un homme de 97 ans qui a encore tant de désirs et de vitalité. Lui le premier a été une source d’inspiration des plus stimulantes. En y réfléchissant, Germain est peut-être l’adolescent le plus âgé que j’ai filmé ! François Berléand l’incarne à la perfection, dans toute sa corporalité, sa drôlerie, dans son égoïsme aussi. Il a vraiment fusionné avec le personnage. Et peut-être que lui aussi, comme tant d’autres comédiens, est resté un grand adolescent.

La madeleine de Proust, le quotidien millimétré de Germain, les répétitions du spectacle de danse… Le temps, voire la temporalité, joue un rôle majeur dans la narration.

Penser au temps m’a donné la possibilité de travailler sur le rythme. Comme je viens du milieu du théâtre, j’avais besoin que l’action se passe dans une temporalité assez restreinte. Le récit du Milieu de l’horizon se déroule au cours d’un été et PuppyLove sur neuf mois. Pour Last Dance, je voulais que le temps de l’action corresponde à la période de deuil de Germain, qui perd sa femme au début du film. Plus précisément à la phase initiale du deuil, avec ses douleurs et ses particularités. Cela m’a donné la possibilité de travailler sur une rythmique assez soutenue et balancée. J’avais envie de réaliser un film où l’on ne s’ennuie pas, où l’on peut et veut sourire souvent. J’avais envie de faire un film qui fait réfléchir au temps qui passe tout en faisant dire aux spectateurs à la sortie de la séance : « Je n’ai pas vu le temps passer ». Se hâter lentement le temps d’un printemps où Germain traverse et surmonte son deuil, de façon bizarre et comique. C’est ça aussi la vie, non ?

Pourquoi la danse contemporaine ?

Parce que je l’adore ! Avant de réaliser des films, j’ai fait de la scénographie pour des spectacles de danse contemporaine et de Hip Hop. J’ai beaucoup filmé les danseuses et les danseurs, leurs corps en mouvement. Je repense à une citation de Ratatouille : « Tout le monde peut cuisiner », et moi je pense que tout le monde peut danser ! La danse, c’est en effet un art extrêmement inclusif, un art de soi-même : faire face à soi-même, comme suspendu, et… lancer un mouvement. C’est une très belle métaphore de la vie. La danse permet de se donner un espace, souvent rare aujourd’hui, pour se rencontrer. Il suffit de se laisser aller. À ce titre, je trouve que cette expérience à quelque chose à voir avec celle du deuil : accepter sa tristesse, accepter le vide, vivre des émotions et puis… on verra bien ! Par ailleurs, il y a des différentes façons d’aborder la danse contemporaine et certaines chorégraphies ont un vrai potentiel comique – qui sont à la fois mortellement chiantes et fabuleusement drôles. Avec La Ribot, nous voulions jouer sur cette dualité. Elle aborde son métier de chorégraphe avec beaucoup de second degré. Ses créations sont très sérieuses, très construites. Elles sont solides et passionnantes. Mais elle laisse toujours des interstices où le sérieux n’a plus sa place. Travailler avec elle sur les chorégraphies de Last Dance a été tout simplement fantastique. Justement, diriger une metteuse en scène, une créatrice aussi exigeante sur le plateau qui en plus joue son propre rôle, comment cela s’est-il passé? Je connaissais son travail de chorégraphe, mais je ne savais pas si La Ribot pouvait jouer la comédie, jouer au cinéma ce qui est différent de la scène. Or, il s’avère qu’elle est une excellente actrice ! Durant tout le tournage, elle a été d’une extrême générosité : non seulement, elle a adapté et créé des chorégraphies pour les besoins du film, mais elle s’est aussi réinventée en jouant son propre rôle. Nous avions envie de cette approche sur Last Dance : que La Ribot puisse travailler avec ses propres danseuses et danseurs et rester fidèle à elle-même tout en évoluant dans un cadre – le tournage d’une fiction – qu’elle ne connaissait pas du tout et qui lui apportait de nouvelles choses, et peut-être de nouvelles libertés.

Sans oublier qu’elle a dû accompagner et cadrer toutes les actrices et tous les acteurs, qui n’étaient pas forcément danseurs ! Pour moi, travailler avec elle a été un cadeau génial. Sa générosité, son enthousiasme et, surtout, son talent ont fait de notre rencontre une source de plaisirs et d’inventions. Une des particularités de Last Dance réside précisément dans la rencontre entre ces deux mondes : ceux du cinéma et du spectacle vivant. Est-ce que cela a représenté un défi ? Comment les acteurs et les danseurs se sont-ils nourris les uns des autres ? Je savais que c’était un projet ambitieux, et il a parfois été difficile de coordonner ces deux mondes. Mais leur rencontre s’est révélée être la chose la plus épanouissante pendant le tournage, bien qu’il a été parfois difficile de coordonner ces deux univers : « mon » groupe et celui « de » La Ribot n’ont en effet pas toujours été faciles à mélanger car ils ont découvert des façons différentes de travailler. Les premiers ont dû faire avec les contraintes de la scène et celles qu’implique la danse, tandis que les deuxièmes ont dû se confronter à la lourdeur et à la lenteur du dispositif cinématographique… Heureusement, toutes et tous se sont tout de suite appréciées : les comédiens et comédiennes se sont pliés au jeu des répétitions en amont avec La Ribot pour apprendre à danser, à bouger, à utiliser leur corps. Et en même temps, les danseuses et danseurs ont accepté d’être dans une figuration extrêmement active. Ce tournage a été une découverte pour les uns comme pour les autres. Une expérience qui me donne envie de réaliser d’autres films comme celui-ci, où des univers se télescopent. Ce qui m’a enthousiasmé finalement c’est d’être au cœur d’une vraie troupe, le temps du tournage.

Comment s’est passé la rencontre avec François Berléand ?

François Berléand est fantastique humainement et c’est un merveilleux acteur. Il prend le risque de paraître « ridicule » et, en conséquence, il ne l’est jamais. Il ose. Et c’est magique. Cette approche du jeu correspond à ma vision du spectacle vivant : il faut accepter d’être sur scène, de ne pas savoir exactement ce qui va se passer à la minute près, de ne pas tout maîtriser ou réussir tel qu’on se l’imaginait. François Berléand vient aussi du théâtre, il a une carrière énorme et une aisance incroyable. C’est aussi grâce à cela qu’il est parvenu à créer un personnage aussi attachant, vrai et émouvant. J’ai envisagé Germain presque comme un personnage clownesque. Il devait être très généreux et, avec quelques petits gestes, mettre de bonne humeur le public. Au fond, le film que je voulais faire, c’est cela : rendre les gens heureux, les voir sortir de la salle, le sourire aux lèvres, joyeux et émus. Quand François Berléand a lu le scénario, il m’a tout de suite appelée : son envie d’incarner Germain a été immédiate. Le tournage a parfois été éprouvant – avec des séquences de danse très longues et fatigantes – et il lui arrivait de râler de temps à autre, mais toujours avec beaucoup d’amour ! J’ai été impressionnée par sa force de proposition et son implication sur le film. Il n’a jamais rechigné à refaire, à tenter différemment, à essayer. Ce petit jeu était amusant. Tout le tournage s’est d’ailleurs déroulé dans une ambiance cordiale et bienveillante. De toute manière, je ne peux travailler que dans la bienveillance.


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